Maisons éco-responsables [1/4]: Au Sénégal, le pari de la construction bioclimatique
Le Pritzker Prize 2022 (l'un des prix d'architecture les plus prestigieux au monde) a mis en lumière les constructions écoresponsables de l'architecte germano-burkinabé Diébédo Francis Kéré. Un courant architectural encore relativement confidentiel, mais qui fait de plus en plus d’émules sur le continent africain. Dans le cadre de la série de reportages consacrés justement aux constructions écoresponsables, nous allons ce matin au Sénégal, où le secteur du bâtiment est en plein essor, et la plupart des édifices sont réalisés en béton. Mais une nouvelle génération d’entrepreneurs et d’architectes fait bouger les lignes. C’est le cas de la société Elementerre – qui produit des briques en terre – et de l’atelier Worofila, spécialisé en architecture bioclimatique. Reportage sur un projet commun dans le Sine Saloum, à environ 150 kilomètres au sud de Dakar.
De notre envoyée spéciale dans le Sine Saloum,
Au milieu d’un jardin verdoyant, une grande maison en brique de terre crue. Le chantier est presque terminé. C’est l’un des premiers projets du cabinet Worofila, cofondé par l’architecte Nzinga Bigué Mboup : « Les clients étaient très marqués par des références d'architecture traditionnelle, notamment au nord de l'Afrique, explique l'architecte. En termes de plans, la ventilation traversante est quelque chose qui était primordial pour nous. On se met dans la direction des vents dominants, donc on a des ouvertures de chaque côté des pièces, et la brique de terre comprimée crée de l'inertie thermique au niveau de l'enveloppe, notamment des murs extérieurs. »
Depuis 2010, Elementerre est la spécialiste BTC, la brique en terre compressée. L’entreprise produit aussi des panneaux isolants en typha, une plante envahissante. « Sans avoir à dépenser de l'énergie, on peut produire des bâtiments qui sont très efficaces et qui sont très durables, explique Doudou Dème, son directeur. C'est ce qu'on a toujours fait, on n'est pas en train d'innover, on est juste en train de refaire ce que nos ancêtres avaient fait en utilisant des nouvelles technologies pour aller plus vite, pour avoir un peu plus de résistance. »
Mais il y a encore des blocages : « Certains pensent que ce n'est pas un matériau moderne, et d'autres disent que c'est le béton qui est la solution »
► À lire aussi : Les low-tech : et si le progrès changeait de camp ?
Pourtant, la demande est croissante. À l’usine Elementerre de Gandigal, sur la Petite Côte, un couple avec un projet de construction est venu se renseigner : « Je trouve qu'ici, il fait hyper chaud dans le bâtiment, et cette technique avec de l'air qui respire par les briques, ça peut faire baisser la température de quelques degrés, faire quelques économies d'énergie. C'est pour ça que nous sommes intéressés. »
Le défi pour Nzinga Mboup et Doudou Dème est maintenant de passer à la vitesse supérieure : « C'est un bon début, mais au-delà de la maison individuelle, il faut qu'on passe à une plus grande échelle et qu'on réfléchisse réellement à créer des quartiers écoresponsables parce qu'au-delà de ce qu'une maison peut faire, il y a les égouts, il faut qu'on pense aussi au végétal », affirme le premier. « On est dans la phase où il faut qu'on travaille à former les entreprises à appréhender ces matériaux, et à construire avec ces matériaux, poursuit le second. On a un manque d'entreprises qualifiées capables de répondre à la demande. »
Un retour à la terre comme alternative pour l’avenir.